Elon Musk se sert-il de l’environnement comme prétexte pour manipuler le cours des prix du Bitcoin?
Elon Musk, le «Technoking» de Tesla, a déclaré ce dimanche que sa société de véhicules électriques commencerait à accepter les paiements en Bitcoin (BTC) une fois qu’il aurait une confirmation que les mineurs auront une utilisation raisonnable d’énergie propre.
«Lorsqu’il y aura confirmation d’une utilisation raisonnable (~50%) d’énergie propre par les mineurs avec une tendance future positive, Tesla recommencera à autoriser les transactions en Bitcoin.»
Rappelons que plus tôt cette année, le 24 mars, Elon Musk avait annoncé que l’on pouvait maintenant acheter une Tesla avec le Bitcoin.
Quelques semaines plus tard, le 12 mai, Elon Musk faisait volte-face en annonçant que Tesla suspendait l’acceptation des paiements en Bitcoin.
Le tweet de Musk a coïncidé avec une série de gros titres négatifs et coordonnés dans les médias de masse sur le Bitcoin comprenant, entre autres, sa consommation d’énergie et l’intention de la Chine d’interdire l’exploitation minière de Bitcoin. Cette campagne médiatique coïncida avec le déclenchement de la plus violente correction sur le marché du Bitcoin, culminant avec une baisse des prix du BTC de 54% entre le sommet enregistré le 14 avril et le creux du 19 mai.
Graphique Bitcoin (BTC/USD) Journalier
La bougie journalière du 12 mai, le jour de l’annonce de la suspension des paiements en Bitcoin par Tesla, représente l’une des plus grandes chutes journalière des prix du Bitcoin avec celle enregistrée exactement une semaine plus tard, soit le 19 mai. Bien que l’acceptation, ou pas, du Bitcoin par Tesla ne représente aucunement un impact significatif sur le volume des transactions sur le marché, l’influence qu’a Elon Musk sur les réseaux sociaux, elle, peut représenter un moteur important sur les achats et les ventes de cryptomonnaies.
Une grande partie de la communauté crypto n’a pas avalé l’argument invoqué par Elon Musk pour justifier le retournement de sa veste en seulement quelques semaines et pointe plutôt dans la direction d’une simple manipulation de marché.
Est-ce que l’aspect environnemental peut être considéré sérieusement de manière subjective venant de la part d’Elon Musk? Ne connaissait-il pas l’emprunte carbone du Bitcoin avant de prendre la décision d’accepter le Bitcoin en tant que mode de paiement par Tesla? Lors de sa dernière annonce du 13 juin, était-il maintenant en connaissance de l’emprunte carbone du Bitcoin avant de lancer le chiffre de 50% d’énergie propre? Pourquoi 50% et pas 60% ou 75%?
C’est ce qui nous amène maintenant à regarder la consommation d’énergie utilisée pour l’extraction du Bitcoin et la mettre en perspective avec ses compétiteurs. Ensuite, nous évaluerons si la cause environnementale est réellement si importante pour le «Technoking» de Tesla, Elon Musk. Pour finir nous allons voir l’impact que le Bitcoin a eu pour les affaires de Tesla et d’Elon Musk.
La Consommation d’énergie du Bitcoin
Selon l’Indice de consommation d’électricité du Bitcoin de Cambridge (1), la consommation d’électricité annuelle du Bitcoin est évaluée à 96.63 TWh en date du 14 juin 2021.
Pour mettre ses données en perspective, comparons la consommation d’électricité du Bitcoin avec ses deux principaux compétiteurs, soit le système bancaire et l’industrie aurifère. Pour ce faire, nous allons utiliser l’étude réaliser par Galaxy Digital publiée au mois de mai 2021. (2)
Galaxy Digital s’est penché sur quatre domaines clés de la consommation d’électricité du secteur bancaire dans son étude:
- Les centres de données
- Les succursales bancaires
- Les distributeurs automatiques de billets
- Les centres de données du réseau de cartes bancaires
Dans son rapport, Galaxy Digital estime la consommation énergétique annuelle globale du système bancaire à environ 263 TWh.
Pour ce qui est de l’industrie aurifère, Galaxy Digital s’est appuyé sur les estimations des émissions de gaz à effet de serre publiées par le World Gold Council pour déterminer une consommation d’énergie annuelle d’environ 240 TWh.
| Consommation | |
| Système bancaire | 263 TWh |
| Industrie aurifère | 240 TWh |
| Bitcoin | 97 TWh |
Malgré les critiques concernant le minage de Bitcoin, on estime qu’une forte majorité de mineurs utilisent déjà des sources d’énergie alternatives. L’entreprise Yassine Elmandjra, analyste chez Ark Investments, a déclaré à CNBC en avril qu’environ les trois quarts des mineurs utilisent déjà des sources d’énergie sans carbone dans leurs opérations.
Elon Musk se préoccupe-t-il vraiment de l’environnement?
Je ne suis pas le premier à m’interroger sur la conscience écologique d’Elon Musk et d’ailleurs plusieurs l’ont fait avant moi. En prétextant l’impact écologique du Bitcoin pour faire couler l’ancre dans les médias de masse et faire valser les petits investisseurs, le produit phare de Tesla est-il réellement si écologique? Eh bien, rien n’est moins sûr que ça!
Dans une étude commandée par Hydro-Québec au Centre international de référence sur le cycle de vie des produits, procédés et services (CIRAIG) qui a été publiée en avril 2016 (3), les véhicules électriques auraient en fait une emprunte carbone bien supérieure aux véhicules à essence avant même d’avoir commencé à rouler.
L’extraction des ressources naturelles requises dans la production des véhicules électriques sont beaucoup plus dommageable pour l’environnement que pour les véhicules à essence. En 2018, la Coalition pour que le Québec ait meilleure mine avait dénoncé la forte croissance des déchets miniers dans la province, dont le total dépasserait les 100 millions de tonnes par année.
Bien que les voitures électriques soient vendues par la plupart des gouvernements comme étant «écologiques», la plupart des études démontrent le contraire. Plusieurs articles, dont celui publié par Radio-Canada en 2018 (4), avaient déjà souligné la «fausseté». Les batteries utilisées dans les voitures électriques contiennent près de 3 kilos de lithium. L’extraction du lithium produit des déchets environnementaux considérables et sera de plus difficile à produire. Plusieurs chercheurs estiment que si tous les véhicules de la planète étaient électriques, les réserves de lithium seraient épuisées en quelques décennies.
Selon le rapport du CIRAIG, dans un contexte québécois alimenté par l’hydroélectricité, un véhicule électrique devrait parcourir 90000 kilomètres avant de présenter un meilleur bilan pour la santé humaine qu’un véhicule à essence. Cette observation ne tiendrait pas compte de tous les facteurs polluant de la production et du phénomène bien réel de l’épuisement des ressources minérales.
«À la lumière des résultats de la présente analyse, il est possible de conclure, en considérant le cycle de vie complet des deux types de véhicules étudiés, que le véhicule électrique représente un choix environnementalement préférable au véhicule conventionnel dans un contexte typique québécois, pour une distance parcourue de 150000 km, à l’exception de la catégorie Épuisement des ressources minérales.»
L’épuisement des ressources est un autre aspect que très peu de «vendeurs» de véhicules électriques abordent. Ce facteur pourrait totalement éliminer les avantages «écologiques» d’utiliser les véhicules électriques (avec leur mode de fabrication actuel) à long termes, car l’extraction des ressources nécessaires à la production deviendra de plus en plus difficile et détruira de plus en plus l’environnement. De plus, comme l’avait souligner le professeur de génie chimique à Polytechnique Montréal, Réjean Samson, il n’y a présentement aucun procédé de recyclage pour le lithium.
En plus du lithium, les batteries utilisées dans les véhicules électriques sont fabriquées avec du cobalt. En 2016, Amnesty International s’était penché sur la réelle valeur écologique des voitures électriques et de la production des batteries au lithium. Mark Dummett, chargé de recherches sur la responsabilité des entreprises en matière de droits humains à Amnesty International, avait découvert la terrible réalité reliée à la production des batteries aux lithium utilisées dans les voitures Tesla. (5)
«Le cobalt est un composant essentiel des batteries rechargeables de type lithium-ion avec lesquelles fonctionnent les voitures électriques. Plus de la moitié du cobalt extrait à travers le monde provient de la République démocratique du Congo (RDC). Malgré ses richesses en minerais, la RDC compte parmi les pays les plus pauvres du monde et subit depuis des décennies la guerre et la corruption de ses dirigeants. Les emplois légaux étant trop rares dans le pays, des centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants congolais sont amenés à creuser leurs propres mines pour subvenir à leurs besoins.»
Les déchets miniers polluent souvent les rivières et l’eau potable. La poussière de la roche pulvérisée est connue pour causer des problèmes respiratoires. Les retombées toxiques de l’industrie minière ne sont que maintenant étudiées par des chercheurs, principalement à Lubumbashi, la capitale minière du pays.
Nul ne connaît le chiffre exact, mais l’UNICEF estime que 40 000 enfants travaillent dans les mines du sud de la RDC d’où est extrait le cobalt. (6)
«Les voitures électriques ne sont probablement pas aussi “propres” que vous le pensez. Les clients doivent savoir que ces voitures vertes sont peut-être polluées par les souffrances des enfants qui travaillent en RDC.»
Donc, en plus de détruire l’environnement avec la production des batteries au lithium utilisées dans les véhicules électriques de Tesla, la majorité de l’énergie utilisée pour recharger les batteries de ces véhicules aux États-Unis est «sale»!
Emprunte carbone
L’emprunte carbone personnelle d’Elon Musk était évaluée en 2018 (7) à tout près 2000 tonnes métriques de CO2 comme on peut le voir dans le classement des milliardaires ci-dessous.
Bien qu’il ne figure pas au top de la liste des milliardaires pour son emprunte carbone, l’emprunte personnelle d’Elon Musk est tout de même 100 fois supérieure à la moyenne des américains (16 tonnes) selon les données publiées par la Commission européenne en 2017 et présenté dans le tableau ci-dessous produit par Statista.
Elon Musk manipule-t-il le cours de prix du Bitcoin?
Magda Wierzycka, la PDG de la société Sygnia, a récemment reproché à Elon Musk d’avoir fait grimper le prix du Bitcoin en écrivant des tweets pour manipuler le marché dans une interview sur le podcast “Money Show”.
La femme d’affaires a déclaré que le PGD de Tesla avait fait augmenté le prix du Bitcoin en toute connaissance de cause après avoir acheter pour 1,5 milliard de dollars américains de BTC.
Elle a aussi demandé à la Securities and Exchange Commission (SEC) d’enquêter sur Elon Musk prétendant que ce dernier avait consciemment manipulé le cours des prix du Bitcoin.
«C’est inexact», a déclaré Musk dans une réponse dimanche. «Tesla n’a vendu qu’environ 10% des avoirs pour confirmer que BTC pouvait être liquidé facilement sans déplacer [le] marché.»
Comme rapporté par le Wall Street Journal au mois d’avril dernier (8), sans ses profits générés par la vente de 101 millions de dollars américains en Bitcoin et de ses crédits carbone, Tesla aurait présenté un bilan négatif au premier trimestre 2021.
«Tesla n’a pas exactement réalisé son bénéfice record en vendant des voitures. La société a déclaré avoir vendu une partie des 1,5 milliard de dollars de bitcoins qu’elle avait achetés en février, contribuant à 101 millions de dollars au résultat net. C’est près d’un quart de son bénéfice total.»
«De plus, les ventes de crédits réglementaires à d’autres constructeurs automobiles pour les aider à respecter les mandats d’émissions, qui comportent une marge bénéficiaire de 100 %, ont atteint 518 millions de dollars. Cela représente près de 100 % des 533 millions de dollars de revenu avant impôts de Tesla. Ces deux mains secourables ont aidé à éviter l’encre rouge.»
Bien qu’il en soit de la compétence de SEC d’évaluer si les commentaires d’Elon Musk sur Twitter étaient destinés à manipuler le marché du Bitcoin, une chose de sûr, ils sont venus à point pour éviter à Tesla de publier un bilan négatif au premier trimestre 2021.
Conclusion
Avez-vous déjà entendu se plaindre Elon Musk à propos de la consommation énergétique et l’emprunte carbone du secteur bancaire ou aurifère? Avez-vous déjà entendu Elon Musk parler des ses préoccupations relatives aux dommages environnementaux reliés à la production de lithium et son recyclage? Avez-vous déjà entendu Elon Musk dire qu’il allait arrêter d’utiliser le cobalt provenant de la RDC? Avez-vous déjà entendu Elon Musk parler de la réduction de sa propre emprunte carbone qui est 100 plus grande que celle d’un citoyen américain moyen? Moi personnellement, non!
Par Giancarlo Cecco
Source:
- Indice de consommation d’électricité du Bitcoin de Cambridge » https://cbeci.org/
- Étude réaliser par Galaxy Digital » https://docsend.com/
- Analyse du cycle de vie comparative des impacts environnementaux potentiels du véhicule électrique et du véhicule conventionnel dans un contexte québécois » Rapport du CIRAIG
- La voiture électrique, pas si écologique » Radio-Canada
- Voitures électriques : polluées par le travail des enfants? » Amnesty International
- La face cachée des voitures électriques : l’exploitation par le travail » Amnesty International
- L’empreinte carbone d’Elon Musk semble modeste par rapport aux normes des milliardaires – mais il ne possède pas de yacht » MarketWatch
- Tesla Makes More Money Trading Bitcoin Than Selling Cars » Wall Street Journal
Les opinions exprimées ici sont uniquement celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement les vues de Forex Quebec. Chaque mouvement d’investissement et de trading comporte des risques, vous devez effectuer vos propres recherches lorsque vous prenez une décision.
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